Dynamique positive, mais la majorité des caisses de pension investit encore au détriment du climat

En l’espace d’un an, la part verte du volume de placement des institutions de prévoyance, investie de manière durable, est passée de 8% à 22%. C’est ce que constate l’Alliance climatique sur la base de la mise à jour de son rating climatique depuis le lancement en novembre 2020. Un progrès, car les caisses de pension devenues durables sont la preuve tangible que les investissements respectueux du climat sont réalisables, qu’ils n’entraînent au final aucun coût supplémentaire et qu’ils génèrent donc les rendements exigés par la loi. Cependant, les 78% restants continuent de nourrir, par leurs investissements, des industries et des entreprises qui, par leur dépendance aveugle aux énergies fossiles, font obstacle à la réalisation rapide d’une économie mondiale à zéro émission nette. 

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Vert: un grand déploiement pour les solutions

Le cinquième vert des caisses de pension est en train de réduire progressivement les émissions de gaz à effet de serre qu’il finance. Cela réduit l’apport de capitaux aux entreprises des énergies fossiles et aux autres responsables du réchauffement climatique en fonction de leurs émissions opérationnelles et de leur implication dans des produits à forte empreinte carbone. En revanche, les entreprises disposant de plans climatiques crédibles bénéficient de plus de financements. Le financement ciblé de la production d’énergies renouvelables et des technologies visant à réduire la consommation d’énergie est également en forte augmentation. 

Comment ces leaders procèdent-ils au concret ?

  • Ils appliquent systématiquement des principes ESG (Environnemental, Social, Gouvernance) reconnus dans le monde de la finance pour la sélection des titres. Ils privilégient les entreprises qui visent un impact positif grâce à des stratégies améliorant leur durabilité. Les critères sont l’impact climatique, la protection des écosystèmes, la préservation de la biodiversité, les droits de l’homme, l’égalité des sexes et la bonne gestion nécessaire à la réalisation efficace des objectifs. Une production nuisible à l’environnement, le non-respect des droits de l’homme, la commercialisation de produits nocifs et une gestion d’entreprise contraire à l’éthique sont des motifs d’exclusion. Pour les caisses de pension durables, sur les quelque 3000 entreprises mondiales ou plus présentes sur les marchés financiers, plus de la moitié ne peuvent pas être investies ou seulement avec des montants réduits. Pour y parvenir, de nombreuses institutions de prévoyance ont amené leurs gestionnaires de fortune à utiliser des filtres ESG ou des tilts (sur-/souspondération) suffisamment puissants. Les caisses de pension avec un volume d’investissement moyen ou faible ont obtenu la mise à disposition de fonds de haute qualité ESG par le marché des banques et des sociétés d’investissement. Toutes les conversions ont été possibles sans compromettre la diversification des risques pour se protéger des pertes. Les rendements de ces investissements durables sont toujours conformes au marché.
  • En influençant les entreprises qui restent investissables mais doivent s’améliorer, les pionniers augmentent en outre leur impact sur l’économie réelle. Ils se regroupent ainsi en alliances d’investisseurs – l’Ethos Engagement Pool International, par exemple, a prouvé son efficacité. Avec ce regroupement national, dans le cadre de la Climate Action 100+ internationale, ils augmentent avec succès la pression sur les multinationales qui, avec leur propre production et en raison de leurs chaînes de valeur, ont un impact particulièrement néfaste sur le climat. Cette initiative est menée par des investisseurs de tous types, dont le nombre ne cesse de croître et qui représentent aujourd’hui la moitié des investissements mondiaux. Le nombre d’entreprises négatives pour le climat visées est passé de 100 au départ à près de 170 aujourd’hui, ce qui signifie que l’initiative couvre environ 80% des émissions mondiales de gaz à effet de serre directes et causées par les produits. L’alliance d’investisseurs tient à faire en sorte que ces principaux émetteurs de gaz à effet de serre prennent les mesures nécessaires pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C et s’engagent à suivre une trajectoire de décarbonisation allant jusqu’à zéro net.

Orange : divergence au milieu du classement 

Fin 2020, le tiers orange ne se distinguait que par quelques mesures, comme l’exclusion des mines de charbon ou encore de l’électricité au charbon. En général, les institutions de prévoyance étaient d’avis qu’il suffisait d’inciter les entreprises pétrolières et gazières à s’adapter aux objectifs climatiques par le dialogue. La plupart des caisses de pension qui ont fait augmenter la part verte au cours de l’année 2021 sont entre-temps arrivées à la conclusion que pour les pollueurs climatiques, seule une escalade peut réduire les risques liés au climat. Ils combinent désormais la réduction de leurs investissements dans les grands émetteurs de CO2 avec une prise d’influence sur les entreprises dont la transition vers un avenir net zéro semble possible, comme pour les producteurs d’électricité bien positionnés, ou sans alternative à moyen terme, comme pour le ciment et l’acier. L’Alliance climatique s’attend à ce que quelques pour cent se joignent à la voie ainsi tracée pour faire partie des leaders.

Pour le reste des institutions de prévoyance situées dans la moyenne orange, les signes d’une poursuite de la réduction des émissions financées sont rares. L’Alliance climatique adaptera prochainement les critères du rating actuels à la rigueur accrue requise pour atteindre les objectifs climatiques de l’Accord de Paris. L’omission d’une trajectoire planifiée de décarbonisation des investissements devrait entraîner des déclassements dans la zone rouge, néfaste pour le climat. Cela pourrait éventuellement concerner le Fonds de compensation AVS compenswiss ; la BVK du canton de Zurich et la caisse de pension bernoise CPB/BPK. En tout cas, l’écart se creuse entre les institutions qui progressent et les retardataires.

Rouge : manque de transparence, déclarations vagues, réallocations marginales

La part rouge pratiquement inchangée de 55% montre que la majorité des institutions de prévoyance, y compris la Suva, n’a pas encore suffisamment pris conscience des attentes croissantes du Conseil fédéral, des milieux politiques et de la société en matière de placement durable des capitaux. Des caisses de pension importantes comme celles d’UBS, RocheHolcim, Richemont, Rolex, Liebherr, Merck-Serono et Edmond de Rothschild ne tiennent pas de site Internet et estiment que leur politique d’investissement ne concerne pas le grand public. C’est également le cas pour les quelque 1300 institutions de prévoyance non transparentes que nous appelons collectivement «Elephant in the Room» – il s’agit pour la plupart de caisses de pension d’entreprises. Ou ceux du Crédit Suisse, Swatch, Syngenta ainsi que la Fondation supplétive pour les indépendants et les chômeurs et les Fondations collectives Trianon sont transparentes, mais n’ont pas encore adopté de principes de durabilité, n’ont publié que des déclarations d’intention générales ou se contentent d’exclusions ou de réallocations marginales. 

Ces institutions retardataires investissent dans des fonds conventionnels nuisibles au climat ou permettent des techniques d’investissement qui leur sont toujours proposés par les banques et les sociétés des fonds. Cette affirmation de notre part est confirmée par les conclusions qui découlent du test de compatibilité climatique 2020 de l’OFEV : «Dans l’ensemble, la place financière suisse investit aujourd’hui quatre fois plus de moyens dans des entreprises produisant de l’électricité à partir de sources fossiles comme le charbon ou le gaz que dans celles en produisant à partir de sources renouvelables. Quelque 80 % des participants détiennent dans leurs portefeuilles des titres d’entreprises extractrices de charbon. En moyenne, la place financière suisse soutient ainsi une expansion supplémentaire de la production internationale de charbon et de pétrole, ce qui va à l’encontre de l’objectif climatique». Ce comportement contraste fortement avec la disponibilité croissante d’instruments financiers adaptés et systématiquement durables, qui leur permettrait de réduire leur empreinte carbone sans prendre de risques. 

La nocivité climatique viole le devoir de diligence

Le déclin économique déjà en cours des industries du charbon, du pétrole et du gaz naturel, qui ira pour s’accélérer suite à la transition énergétique, fait fondre les capitaux-épargne. Cette constatation est aujourd’hui clairement établie par la science. Les investissements dans les énergies fossiles ne sont donc pas seulement un risque pour le climat, mais aussi pour les retraites. Depuis 2018 déjà, l’avis de droit NKF affirme que les caisses de pension suisses doivent elles aussi tenir compte des risques financiers liés au climat lors de la sélection des entreprises pour leurs placements et qu’elles ne doivent pas manquer les opportunités de la transition énergétique. S’ils n’adaptent pas leur gestion des risques, cela peut être qualifié juridiquement de violation de leur devoir de diligence fiduciaire envers leurs assurés. Les caisses de pension négligentes se rendent juridiquement vulnérables. En Australie, une plainte climatique très médiatisée d’un assuré contre sa caisse de pension a abouti. Le tribunal compétent avait constaté, dans ce cas qui fait référence au niveau mondial, qu’elle ne remplissait pas son obligation d’intégrer les risques climatiques. L’accord conclu avec le bénéficiaire plaignant comprenait la reconnaissance de la matérialité des risques financiers. L’institution de prévoyance s’est engagée à atteindre l’objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre financée d’ici 2050. 

Contact: Sandro Leuenberger, sandro.leuenberger@klima-allianz.ch