OUI à la loi sur le CO2 : entretien avec le géo-économiste Laurent Horvath

“Les associations pétrolières sèment le doute dans l’esprit des gens“

 

Laurent Horvath*, géo-économiste, explique comment le lobby pétrolier influence la politique climatique mondiale. Le Valaisan montre à quel point notre société actuelle est dépendante des énergies fossiles, puis quelle est la contribution de la loi sur le CO2 à la transition énergétique.

 

Qui se cache derrière le référendum contre la loi sur le CO2 ?

C’est un lobby qui est financé par les pays producteurs de pétrole via les compagnies pétrolières. L’objectif des pays producteurs et des compagnies pétrolières comme BP, Shell, SOCAR ou Total est de vendre du pétrole. Beaucoup de pays producteurs de pétrole ont installé leur lobby au cœur des pays consommateurs, un peu comme un cheval de Troie, faisant croire aux gens que ce n’est pas possible de réduire la consommation d’essence pour leurs voitures ou bien réduire le mazout pour chauffer leurs maisons.

 

Comment tentent-ils de faire cela ? 

Ils sèment le doute dans l’esprit des gens afin de faire croire que l’impact sur le climat est négligeable et qu’il y avait assez de pétrole pour un siècle encore. Ils ont des moyens gigantesques pour acheter des scientifiques et faire des études orientées. ExxonMobil, le plus grand pétrolier américain, a admis devant un tribunal ce type de comportement. On peut comparer cette pratique avec l’industrie du tabac où, pendant des années, on nous a dit ‘‘Fumer n’a aucun effet sur la santé‘‘. 

 

Pourquoi cette stratégie de communication fonctionne-t-elle ?

Il y a un savoir-faire énorme en matière de stratégie de communication qui est utilisé depuis des décennies et qui avait été justement inventé par l’industrie du tabac. Pour un·e citoyen·ne, qui a toujours été biberonné·e au pétrole, imaginer qu’il est possible de s’en passer, cela fait peur, c’est compliqué, voire inimaginable. De manière très intéressante, les arguments utilisés en Suisse contre la loi sur le CO2, sont pratiquement identiques à ceux utilisés par le lobby américain contre le Green New Deal de Biden. La stratégie est planétaire et donc minutieusement planifiée avec des arguments testés et qui font mouche.

 

Avons-nous encore besoin des énergies fossiles ?

Aujourd’hui, oui. Mais d’une manière générale, géologique et stratégique, nous devons diminuer notre consommation d’énergies fossiles et débuter le plus rapidement possible une transition vers les énergies propres. Géologiquement, il va être très difficile de continuer à extraire les quantités de pétrole actuelles et même l’industrie pétrolière prévoit un pic avant la fin de la décennie. Il en va de notre modèle économique et de nos emplois.

 

Est-il raisonnable d’investir dans les énergies fossiles de nos jours ?

Durant les 2-3 prochaines années, le prix du baril va certainement fortement augmenter. Ainsi, cela pourrait être très rentable pour les investisseur·se·s. Cependant, dans les 5 à 10 années, on va arriver à un vrai problème avec le pétrole. Les réserves de pétrole bon marché arrivent à terme. Les variations énormes de l’année dernière ont été sans pitié pour les investisseur·se·s et beaucoup d’entreprises ont fait faillite. Il semble que nous arrivons à la fin d’un cycle. De plus en plus de pays l’ont compris et sont en train d’accélérer leur transition. Le Danemark est un excellent exemple.

 

Qu’apporte un OUI à la loi sur le CO2 ?

Un OUI permettra à la Suisse d’initier un éloignement progressif du pétrole et du gaz et un englage clair pour les énergies renouvelables. Certes, la loi n’est pas très ambitieuse, mais c’est un début. Cela permettra à la Suisse de diminuer sa dépendance énergétique par rapport à l’étranger. Ce sera un excellent signal afin de stimuler l’innovation énergétique, le maintien et la création d’emplois locaux. De plus, au lieu d’exporter huit milliards par an, une partie de cet argent retournera directement dans notre économie locale. Si cette loi ne devait pas passer, ce serait non seulement une victoire des pays exportateurs de pétrole et des compagnies pétrolières mais aussi une défaite cruelle pour les citoyen·ne·s suisses. On ne vit pas en buvant du pétrole, on boit de l’eau pour vivre. 

 

Brève description :

Laurent Horvath est diplômé MBA de Dallas University, Texas et de Xavier University, Ohio, USA. L’expert en énergie valaisan étudie depuis plus de 20 ans l’impact des énergies sur les économies au niveau mondial, tient un blog chez Le Temps et a créé le site 2000Watts.org.