Le Tribunal fédéral place la crise climatique hors du droit

Zurich, le 20.05.2020. Le Tribunal fédéral rejette le recours des Aînées pour la protection du climat et de 4 requérantes individuelles contre l’arrêt du Tribunal administratif fédéral. Son argumentation est très problématique. Il affirme qu’une augmentation de la température « nettement en dessous de 2°C » n’est pas encore atteint et que donc personne ne peut revendiquer un tel objectif. Le Tribunal fédéral place ainsi la crise climatique hors du droit et couvre les omissions continuelles du Conseil fédéral et de l’Administration fédérale en matière de protection du climat, ce qui rend les objectifs de l’Accord de Paris de plus en plus inatteignables.

« La crise climatique est la plus grande menace pour une vie préservée. Nous sommes des personnes particulièrement vulnérables que les événements météorologiques extrêmes touchent en premier, il n’y a pas de doute à cela, » dénonce Anne Mahrer, coprésidente des Aînées pour la protection du climat. « Alors que le changement climatique est de moins en moins sous contrôle, le monde politique est paralysé par des conflits d’intérêts. L’arrêt du Tribunal fédéral revient à se poser des œillères pour ne pas voir ces questions controversées d’un point de vue juridique et politique. La protection des droits fondamentaux ne doit pourtant pas être une question de priorités politiques. Les droits fondamentaux jouent le rôle de garde-fous contre les agissements de notre gouvernement, ils doivent pouvoir être soumis à un examen légal, » ajoute encore Anne Mahrer.

Agir seulement si les conséquences sont inévitables
Le long délai de traitement du recours permettait d’espérer que le tribunal traiterait les arguments présentés de façon approfondie. Cela n’a malheureusement pas du tout été le cas. Pour le Tribunal fédéral, l’intensité de l’atteinte aux droits des aînées n’est pas suffisante et leur qualité pour recourir doit être refusée. Selon la Haute Cour, le dépassement du seuil de « nettement moins de 2°C », contraignant en matière de droit international, est encore trop lointain. Avec cet arrêt, le Tribunal fédéral esquive la complexité du sujet.

Dans son arrêt, le Tribunal fédéral n’entre pas en considération sur les droits fondamentaux des requérantes et de l’atteinte à leur santé que constituent les vagues de chaleur. Le Tribunal fédéral ne nie toutefois pas de façon explicite que les Aînées pour la protection du climat soient particulièrement touchées. Toutes les parties recourantes – et aussi le reste de la population – ne seraient selon lui pas touchées avec l’intensité nécessaire dans leurs droits fondamentaux, car il y aurait encore le temps de faire face à un réchauffement de nettement moins de 2°C. En clair, le Tribunal fédéral estime qu’il est trop tôt pour que la justice se saisisse du problème. « Le Tribunal fédéral nie ainsi qu’aujourd’hui déjà, des dégâts insoutenables existent et qu’il est possible de chiffrer exactement dans quelle mesure les émissions doivent être diminuées pour pouvoir atteindre l’objectif des <2°C, » explique Georg Klingler qui accompagne cette procédure depuis le début. Lorsque les conditions posées par le Tribunal fédéral pour reconnaître la qualité pour recourir, il sera trop tard.

La Suisse en retard sur les Pays-Bas
Après avoir étudié la matière de façon approfondie, les tribunaux néerlandais ont statué différemment que le Tribunal fédéral, car les droits fondamentaux commandent une protection minimale du climat, sous peine de violer l’Accord de Paris sur le climat. Les tribunaux ont explicitement déclaré que le gouvernement néerlandais doit de toute urgence et de manière significative réduire les émissions conformément à ses obligations. Actuellement, la Suisse n’atteindra même pas l’objectif de réduction, bien trop faible, de 20% en 2020.

Cette non-décision du Tribunal fédéral a de larges effets, car elle revient à dire que les droits fondamentaux sont inexistants dans le domaine climatique. Le comité de l’association Aînées pour la protection du climat recommande de ce fait à ses membres de recourir contre l’arrêt du Tribunal fédéral auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).