La proposition du Conseil fédéral sur la politique climatique ignore la réalité
Dans la publication du 12 septembre des nouveaux objectifs en matière de protection du climat en Suisse, le Conseil fédéral refuse de développer suffisamment la politique climatique à partir de 2031 et n’exploite pas sa marge de manœuvre. Il souhaite continuer à subventionner les émissions de gaz à effet de serre par la collectivité et embellir le bilan des émissions suisses par des réductions d’émissions à l’étranger. Le Conseil fédéral accepte ainsi des conséquences climatiques plus fréquentes et plus dangereuses. L’objectif fixé par le peuple, à savoir atteindre zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici 2050, devient inaccessible.
Des lacunes dans tous les domaines
La voie proposée par le Conseil fédéral compromet l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C. Selon la volonté du Conseil fédéral, la politique climatique suisse doit rester un patchwork incohérent :
- Le Conseil fédéral travaille à l’aveuglette sur le plan quantitatif : il manque une quantification qui servirait de base à l’orientation de la nouvelle politique climatique. Avec la trajectoire actuelle, la Suisse consomme beaucoup trop du budget mondial de CO₂ restant pour stabiliser le réchauffement à 1,5 °C.
- Certains secteurs importants continuent d’être exclus : dans le secteur financier, il manque des mesures efficaces pour réorienter les investissements vers des projets respectueux du climat – les règles de transparence ne suffisent pas à elles seules pour réaliser cette transformation. Dans le secteur de l’aviation, responsable de la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre en Suisse, rien ne devrait changer. Cela signifie que d’ici 2040, aucun objectif de réduction ne sera fixé pour ce secteur et aucune nouvelle mesure de réduction ne sera introduite. Il en va de même pour l’agriculture, où aucune proposition n’est faite sur la manière dont ce secteur pourrait contribuer à l’élimination et à la séquestration des émissions de gaz à effet de serre.
- En matière de transport routier, la Suisse ne prend pratiquement aucune mesure supplémentaire. Contrairement à de nombreux autres pays européens qui ne possèdent pas leur propre industrie automobile, elle espère que l’UE prendra des décisions courageuses concernant les voitures neuves. Avec l’introduction d’un système d’échange de quotas d’émission pour les carburants, le Conseil fédéral va même moins loin que la politique de l’UE, en fixant un prix plafond pour les certificats. Ainsi, la Suisse peut réduire les émissions de CO₂ du trafic routier de manière beaucoup moins fiable que les autres pays européens, qui ont déjà obtenu de meilleurs résultats dans ce domaine. Notre pays a pourtant déjà un retard à rattraper.
- La responsabilité internationale est ignorée : les gaz à effet de serre gris importés ne sont pas réduits et le Conseil fédéral reste muet sur le financement international de la lutte contre le changement climatique.
- Embellir son propre bilan grâce à des compensations à l’étranger va dans la mauvaise direction : au lieu d’accélérer la transformation nationale, le Conseil fédéral continue de miser sur des mesures à l’étranger pour atteindre ses objectifs, dont les coûts pour la Confédération sont estimés de manière trop optimiste et dont l’impact climatique est de toute façon surestimé. De plus, les compensations à l’étranger sont contraires à la loi sur la protection du climat, qui exige que les objectifs de réduction soient atteints « dans la mesure du possible par des réductions d’émissions en Suisse ».
On ne voit pas comment les propositions du Conseil fédéral permettront d’atteindre l’objectif de décarbonisation de la Suisse, un objectif démocratiquement fixé et absolument nécessaire.
La nouveauté dans le système d’échange de quotas d’émission pourrait cependant s’avérer intéressante. Cela dépendra toutefois de la manière dont il sera finalement mis en œuvre.
La réforme du système d’échange de quotas d’émission avec des ajustements mérite d’être examinée
Le Conseil fédéral propose une innovation : remplacer la taxe actuelle sur le CO₂ et l’obligation de compensation pour les importateurs de carburants par un système d’échange de quotas d’émission. L’Alliance Climatique juge cette proposition intéressante dans son principe, à condition que le système d’échange de quotas d’émission soit bien conçu.
Pour que le système puisse réellement faire évoluer la politique climatique suisse, il doit être conçu de manière à ce que
- la trajectoire annuelle de réduction soit explicitement garantie, comme c’est le cas dans l’UE ;
- les combustibles et les carburants soient regroupés dans le même système d’échange ;
- le plafonnement éventuel des prix soit basé sur les coûts des dommages climatiques et non sur
- les taux de taxation actuels, trop bas ;
- la conception soit socialement équitable et acceptable.
Selon les calculs actuels de la Confédération, une tonne de CO₂ cause des dommages climatiques à hauteur de 430 francs. Tant que le CO₂ peut être émis gratuitement ou à un prix nettement inférieur au coût des dommages climatiques, cela revient à subventionner la pollution climatique par la collectivité. De plus, le problème est ainsi transféré des générations plus âgées aux générations plus jeunes. Cela vaut également si la taxe sur le CO₂ est maintenue à son niveau actuel.
Les recettes provenant de la mise aux enchères des droits d’émission doivent être intégralement utilisées pour la réduction des émissions de CO₂, l’atténuation des conséquences sociales et l’adaptation aux risques climatiques en Suisse et à l’étranger, par exemple pour les vallées de montagne, l’agriculture, les infrastructures inondées et les zones résidentielles surchauffées. La protection du climat peut ainsi être équitable et aller de pair avec le soutien aux groupes socialement défavorisés et structurellement désavantagés, tels que les personnes touchées par la pauvreté ou les populations montagnardes.
Le projet soumis à consultation doit être confronté à la réalité
L’Alliance Climatique exige que le Conseil fédéral soumette son projet de consultation à un test de réalité. La crise climatique a depuis longtemps atteint la Suisse, mais la politique climatique reste insuffisante. Il faut désormais mettre en œuvre immédiatement les lois existantes en matière de climat (loi sur le CO₂, loi sur la protection du climat, loi sur la protection de l’environnement et loi sur l’énergie) et créer de nouveaux instruments efficaces qui tiennent compte de l’évolution réelle du climat et mettent la Suisse sur la voie de la protection du climat. Cela signifie que la prochaine révision de la loi sur le CO₂ doit combler l’écart croissant entre les objectifs fixés et les résultats obtenus.
Chaque année supplémentaire perdue à élaborer des projets de consultation totalement insuffisants nous coûtera très cher très bientôt.
L’Alliance Climatique a déjà défini des lignes d’action claires
Début juin, l’Alliance Climatique Suisse a lancé son troisième Plan directeur climat. Dans ce document, le réseau composé de plus de 150 organisations affirme clairement : 1. Il est urgent d’agir, et 2. Les solutions permettant à la Suisse de respecter ses engagements climatiques pris à Paris existent. Les auteurs soulignent l’utilisation insuffisante des solutions existantes à l’aide d’un ensemble concret d’instruments dans différents domaines d’action thématiques, du transport terrestre au financement climatique. Des instruments tels que ceux-ci permettent de surmonter les obstacles existants.
Le plan directeur complet sur le climat est disponible ici et sa version résumée ici